Résidence d’écriture D’Annick Lefebvre
mai 31, 2021 11:25À l’invitation de TABULA RASA, la dramaturge québécoise Annick Lefebvre est en résidence d’écriture à Toulouse du 17 mai au 30 juin, afin de finaliser l’adaptation du texte de J’accuse pour la France.
La création de J’accuse [France], pièce pour cinq comédiennes, est prévue le 15 mars 2022 au ThéâtredelaCité.
Tags : Annick LefebvrePOURQUOI ADAPTER MON J’ACCUSE (QUI N’EST PAS CELUI DE ZOLA) DANS LE CONTEXTE SOCIO-POLITIQUE FRANÇAIS DE 2021?
Ce qui a motivé l’écriture de la version originale de J’accuse, dans les années qui ont précédé sa création, à Montréal, au Québec, en avril 2015, c’est la sensation – voire la conviction, que les femmes (mais aussi les hommes) de ma génération (et aussi des autres générations), même si elles et ils évoluaient dans une société dite progressiste et égalitaire, une société qui se vantait et qui se vante encore d’être démocratiquement dirigée et de mettre de l’avant la liberté d’expression de tous.tes, ce qui a motivé l’écriture de ce texte qui cherche à exposer des zones de fragilités collectives, c’est la sensation – voire la conviction que les femmes (mais aussi les hommes) de ma génération (et aussi des autres générations) étaient coincé.es dans une spirale socio-politique qui les broyait. Presque littéralement. Spirale socio-politique qui les broie encore aujourd’hui. Et plus férocement, plus violemment, qu’il y a six ans. J’avais, en 2015, la volonté viscérale de leur offrir une tribune, à ces femmes d’apparence ordinaire, à ces femmes dont la voix, d’ordinaire, ne trouvait que peu d’écho sur la place publique. J’avais, (et j’ai encore) dangereusement envie de développer un « militantisme de l’intime », dangereusement envie que ces femmes témoignent de comment la simple exposition de leur vie banale peut devenir un formidable moyen de dénonciation et de résistance face à cette oppression – souvent sourde et incontestablement latente, qui leur coupe le souffle, en rendant, de surcroit, extrêmement pénible l’accomplissement de leur destinée d’apparence banale.Et si, depuis 2015, le Québec comme la France, à travers de multiples mouvements de soulèvement sociaux (luttes contre le racisme et le colonialisme, manifestations pour les droits LGBTQ2+, gilets jaunes, #moiaussi, #balancetonporc, etc.) tend à ce que certaines paroles, jusqu’ici bâillonnées, puissent, au minimum, être libérées, et au mieux, être entendues, cela demeure nettement insuffisant. Ces avancées ne sont que très minces et le contexte de l’actuelle pandémie de Covid-19 est venu exacerber, chez plusieurs, ce sentiment d’étouffement. Cette situation de crise, et la gestion (de merde !) qu’en a fait le gouvernement français au pouvoir n’a pu que raviver ce sentiment « d’être abandonné.e par l’État » au près d’un très grand nombre de ses citoyennes et de ses citoyens. Et c’est ici que J’accuse France devient pertinent. Parce que cette pièce ne prétend pas pouvoir rivaliser avec celles et ceux qui détiennent le pouvoir, cette pièce n’est pas naïve, elle sait qu’elle ne pourra pas changer le monde, mais elle sait qu’elle peut servir à enflammer les citoyennes et les citoyens, elle sait qu’elle peut les encourager à lever bien haut leurs poings dans les airs.
J’accuse sait qu’elle est un bon vecteur à ras-le-bol et un formidable porte-voix. Je sais, pour en avoir écrit deux moutures, que ces cinq protagonistes nous donnent envie d’avoir le courage de nos convictions, et de prendre les armes qui sont à notre disposition pour mener un combat magnifique et grandiose, parce que ce combat (de fortune) est alimenté par le cœur. Par notre cœur.
C’est pour cette raison que je me suis donnée pour mission de donner vie à J’accuse [France]. Parce que c’est, comme autrice, ma manière de militer politiquement, mais surtout poétiquement. Ma façon de persister à me tenir debout et à croire, coûte que coûte, en des lendemains (jamais complètement heureux) mais, à tout le moins, moins fatalement irrévocablement obscurs.
Annick Lefebvre
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Cet article a été écrit par adminBrice
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