Une soirée,
deux acteurs et un musicien,
trois pièces courtes, Kaddish, Monologue sans titre, Un verre de crépuscule, d’un auteur australien à découvrir
quelques chansons… et une expérience singulière du théâtre.
Trois histoires, trois tragédies contemporaines et quatre destins, quatre solitudes arrachées au chaos et au tumulte du monde.
Rhapsodie minutieuse de deux monologues et de la possibilité d’un dialogue.
Entrelacs de paroles intimes pour un objet théâtral de proximité.
Compression de l’expérience théâtrale en une poésie âpre et survoltée qui étreint le trivial et le lyrisme, la violence et l’ironie.
« Et maintenant elle est partie et y a plus que moi évidemment »
Un homme s’avance dans la pénombre, peut-être était-il déjà là. Il nous parle. C’est un endeuillé. Il nous parle d’elle, l’amour de sa vie, la compagne de sa vie misérable. Il essaie de résorber le manque d’elle, l’absence, dans la parole. Mais il ne s’agit plus de parler, il faudrait hurler…
Keene dit avoir écrit ce monologue pour voir s’il pouvait écrire un texte qui ne contiendrait qu’un seul geste physique, un geste qui prendrait alors tout son sens, qui trouverait son vrai poids. Ainsi à la fin, l’homme déchire sa chemise… et ce geste, à cause du monologue qui précède, prend une grande signification.
« Et toi tu te sens seul ? »
Matthew a quitté sa terre natale pour trouver une situation, un travail dans la ville. Dans des lettres écrites à son père qui restent sans réponse, il raconte sa nouvelle vie précaire, ses espoirs et ses attentes. Mais que dire qui aille bien dès lors que, étranger à tout ce qui l’entoure, il se retrouve exclu et désespérément seul ?
Le monde, avec ses illusions, s’écroule pour lui ; le lien avec les autres devient impossible et il n’y a plus de place vivable. Alors l’extrême violence de la réalité prend possession de la scène et du personnage à travers le récit quasi schizophrénique d’une rencontre dans un bar de nuit avec une femme dans lequel plane l’ombre d’une tentative d’agression sexuelle.
« Dans un lieu quelconque un lieu plus beau une heure plus belle »
Dans cette courte pièce dialoguée en 5 séquences, on voit un commis voyageur rencontrer un jeune indigent dans un bar. Cela pourrait être une allégorie, celle de la rencontre entre la plus extrême solitude et la plus grande misère sociale incarnée sur la scène par deux figures de notre temps.
L’un paie la présence et l’amour de l’autre juste pour ne plus être seul. Est-ce que cela fait une histoire ? Jusqu’où alors cela fait-il une histoire ? Deux êtres très seuls peuvent-ils ensemble réinventer
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Un projet de la compagnie Tabula Rasa d’après trois pièces courtes de Daniel Keene
Kaddish – Monologue sans titre – Un verre de crépuscule.
Traduction de Séverine Magois
Avec Ali Esmili , Jean-François Lapalus et Tom A. Reboul
Mise en scène et scénographie Sébastien Bournac
Création lumière Philippe Ferreira
Création sonore Tom A. Reboul
Création Costumes Laurence Vacaresse
Photos François Passerini
Production compagnie Tabula Rasa
Coproduction Théâtre de la Digue, Scène Nationale d’Albi, MJC de Rodez, Ville d’Onet-le-Château.
Soutien au projet (dans le cadre de la résidence de la compagnie Tabula Rasa à Rodez et en Aveyron 2008-2011) :
La Ville de Rodez, la Communauté d’agglomération du Grand Rodez, le Conseil Général de l’Aveyron, le Pays Ruthénois.
Ce projet a été subventionné par La Région Midi-Pyrénées, la Ville de Toulouse, le Conseil Général de la Haute-Garonne.
La compagnie Tabula Rasa est conventionnée par la Ville de Toulouse et la Région Midi-Pyrénées.
Mécénat Groupe Cahors – Fondation MAEC
Le spectacle a été créé le 18 décembre 2008 au Moulin de Cantaranne à Onet-le-Château dans le cadre de la résidence de la compagnie à Rodez (MJC) et en Aveyron.
Les trois pièces de Daniel Keene sont issues de Pièces courtes (premier volume), Éditions théâtrales, 2001.
C’est une expérience théâtrale qui consiste, en quelque sorte, à prendre un petit verre sur une table rase. Il s’agit, très exactement, d’Un verre de crépuscule, titre qui recouvre trois pièces de l’auteur australien Daniel Keene, mises en scène par Sébastien Bournac. Ce dernier étant le chef de file de la compagnie Tabula rasa, compagnie toulousaine qui ne refuse pas les remises en question et les expériences toujours salutaires.
Depuis quelques mois, Sébastien Bournac est en résidence dans le département, à l’initiative du directeur de la Maison des jeunes et de la culture. Installé à Cantaranne, sur la commune d’Onet-le-Château, un lieu au caractère bucolique affirmé, cet acteur parle de sa prestation, ainsi que de celle des deux autres comédiens et du musicien qui les accompagne, comme d’un « objet théâtral de proximité ». Une proximité qui tourne volontiers à la promiscuité, mais qui, pour autant, n’est pas gênante. Lorsque Sébastien Bournac et ses amis se produisent, en effet, c’est entourés, sur trois côtés, par le rang serré des spectateurs. Cela a été le cas, dernièrement, dans un « routier » près de Rodez. Et, bientôt, ce seront des élèves du pôle mécanique du lycée Monteil qui seront appelés à entrer en communion avec le texte de Daniel Keene et le jeu de ces comédiens qui réclament « une grande intimité avec le spectateur ».
Sébastien Bournac s’il avoue adorer Shakespeare, précise aussitôt qu’il n’a pas envie, en ce moment, de monter Hamlet. « La nécessité est ailleurs » lance-t-il sobrement. Elle se niche dans cette presque confidentialité qui permet mieux de faire passer une émotion à vingt ou trente personnes dans une salle improbable au sein de laquelle un carrelage fissuré ou des portes qui grincent remplaceraient avantageusement les lourdes tentures et le parquet ciré de la scène.
Pour Sébastien Bournac, le théâtre est, ni plus ni moins, que du divertissement et de la réflexion. Et l’acteur doit être quelqu’un qui entre de plain-pied dans la vie de tous les jours, loin d’une hypothétique tour d’ivoire. C’est pour cela que les textes de Daniel Keene, qui s’y entend comme personne à décrire de banals décrochages qui sont autant de descentes aux enfers, lui plaisent tant.
Daniel Keene, d’ailleurs, quittera le bush australien pour venir le rencontrer en Aveyron dans deux ou trois mois. Ce sera un événement culturel. L’auteur a d’ailleurs écrit, tout récemment, une pièce spécialement pour lui, intitulée Dreamers. Il est vrai que Sébastien Bournac, et c’est lui qui le dit, vit une sorte de rêve éveillé dans le département. « Je suis plein de gratitude. Ici, toutes les collectivités jouent le jeu. La partie que j’ai à jouer est belle ».
Tabula rasa est donc aveyronnaise pour encore un an et demi. Il est fort possible que, un soir ou l’autre, vous tombiez sur l’une de ses représentations, dans un restaurant, une cave, chez des amis. N’hésitez pas à pousser la porte et à vous installer tout près des acteurs.
Des êtres meurtris, bousculés par la violence des échanges humains, confrontés à leurs ambiguïtés et à leurs pulsions, se cherchent et finissent par se rencontrer. « Un verre de crépuscule » du dramaturge australien Daniel Keene révèle l’âpre réalité du quotidien.
Après « Music-Hall » de Jean-Luc Lagarce, le metteur en scène toulousain Sébastien Bournac renoue avec une écriture contemporaine de l’intime. À travers trois courtes pièces : « Kaddish », « Monologue sans titre » et « Un verre de crépuscule », il rend palpable le chaos ambiant. Ce théâtre des mots et des corps prend forme par la présence magnétique des comédiens, disposés à quelques centimètres des spectateurs. Une proximité qui rend le propos intense, la tension dramatique évidente et le contact troublant.
Comment continuer à vivre dans la perte et l’absence de l’autre, comment survivre dans le manque et le silence de l’autre, comment briser le mur de la solitude et échapper à l’humiliation de la misère ? La question existentielle est posée de façon délicate et brutale. Au milieu de rien et du public, accompagnés par les notes chantantes et saturés d’une guitare électrique, les comédiens se livrent à un bouleversant jeu de la vérité. Ali Esmili et Jean-François Lapalus vont chercher l’émotion du coin du regard au plus profond des sentiments bouleversés qui agitent leurs personnages.
Sébastien Bournac accompagne les parts d’ombre et de lumière de ces textes obsédants grâce à une mise en scène jouant sur le clair-obscur. Mais c’est avant tout la proximité entre la scène et le public qui rend cet « Objet théâtral modulable » palpitant et intime.